CA Aix-en-Provence, Ch. 1-4, 25 février 2021, RG n°20/10357

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu, le 25 février 2021, un arrêt aux termes duquel elle confirme la condamnation de la société AXA, assureur-multirisques, à indemniser un restaurateur au titre de la perte d’exploitation subie du fait de la fermeture administrative imposée par le Gouvernement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.

L’affaire se présentait ainsi : 

Un restaurateur a souscrit un contrat d’assurance multirisques professionnelle auprès d’AXA FRANCE IARD. 

Ce contrat comprenait une garantie « Perte d'exploitation suite à fermeture administrative ».

Cette garantie était due : 
- lorsque la perte d’exploitation était consécutive à une fermeture provisoire ou partielle résultant d’une décision de fermeture prise par une autorité administrative, 
- et que la décision de fermeture était la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.

Cette garantie était toutefois assortie d'une clause d’exclusion stipulant que : 
« Sont exclues :
Les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

A la suite de la fermeture administrative des restaurants décidée par le Ministère des Solidarités et de la Santé, le restaurateur a effectué une déclaration de sinistre auprès d’AXA FRANCE IARD.

AXA a opposé un refus de garantie en se référant à la clause d’exclusion susvisée.

Le restaurateur a alors assigné AXA FRANCE IARD devant le tribunal de commerce de Marseille, afin d'obtenir l’indemnisation des pertes d’exploitation pour la période du 15 mars au 2 juin 2020.

Il demandait au tribunal de déclarer non écrite et/ou abusive la clause d'exclusion et de condamner AXA à garantir la perte d’exploitation subie du fait de la fermeture administrative imposée par le Gouvernement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. 

Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal de commerce de Marseille a déclaré « réputée non écrite » la clause d’exclusion de garantie.

Le tribunal a alors condamné AXA à payer au restaurateur la somme de 23 000 € à titre de provision, au titre des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020.

AXA a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.

La Cour d’appel a rendu son arrêt le 25 février 2021 et a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Marseille.

D’une part, la Cour d’appel relève que la garantie « Perte d'exploitation suite à fermeture administrative » prévue au contrat prévoit bien que la garantie joue lorsque la décision de fermeture était la conséquence d’une « épidémie ». 

Elle en déduit donc que : 

L’ obligation essentielle de l’assureur est donc celle d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies suite à fermeture administrative en raison d’une épidémie.

D’autre part, concernant la clause d’exclusion, la Cour d’appel vise les articles suivants :
- « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite » (art. 1170 du code civil),
- « Dans un contrat d’adhésion toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite » (art. 1171 alinéa 1er du code civil),
- « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police » (art. L 113–1 alinéa 1er du code des assurances).

La Cour rappelle ainsi que pour qu’une exclusion de garantie soit considérée comme formelle et limitée il faut qu’elle se réfère à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées.

En effet, il est constant en matière d’assurance, que l’assuré doive connaître l’étendue des garanties incluses dans le contrat d’assurance auquel il a souscrit et être en mesure de les comprendre.

En l’espèce, la Cour d’appel relève que la clause d’exclusion prévue au contrat ne remplit pas les conditions prévues par le code des assurances puisqu’elle n’est nullement limitée. 

En effet, la clause litigieuse vise :
- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité,
- faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique,
- sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville.

La Cour en déduit donc que l’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie.

La Cour d’appel confirme donc le jugement du tribunal de commerce et condamne AXA à indemniser le restaurateur des pertes exploitation subies à la suite à des fermetures administratives ordonnées en raison de l’épidémie de coronavirus.